Flash Gordon et ses inspirations culturelles
Au-delà des influences littéraires spécialisées, on découvre aisément dans Flash Gordon les reflets d’un bon nombre de mythes contemporains.
L'amiral Chiung (1936)
Flash Gordon et Bulok (1937)
Plus important est l’orientalisme qui accompagne à peu près nécessairement toute les aventures depuis les années vingt. Cet orientalisme se manifeste d’abord dans la race dominante de Mongo: une race asiatique dont le nom évoque irrésistiblement la Mongolie terrestre; il se révèle plus encore dans certains types ethniques, surtout dans le peuple où l’on rencontre l’homologue du paysan chinois maigre et barbichu (le paysan qui arrête puis reçoit Aura, Dale et Zarkov), ou le gros poussah répugnant et gras (le cuisinier qui laisse entrer les paysans au palais, par exemple), et l’on aboutit enfin au souverain lui-même qui, avec sa tête allongée et sa pilosité filiforme illustrerait fort bien le personnage de Fu-Manchu.
Et que dire des costumes et des décors, que de dragons, que de broderies siniformes, sans parler de la coiffure en abat-jour des paysans; ajouton les noms eux-mêmes: Ming, nom générique d’une dynastie chinoise qui régna du XIV au XVII siècle, Hong, le seigneur des donjons, le capitaine Chiung, le général Minchu, etc., et terminons par le faste et la cruauté et la corruption de cette société avide d’or: tout évoque l’Extrême-Orient traditionnel, Extrême-Orient omniprésent comme il l’a été chez tous les auteurs de romans d’aventures, de Sax Rohmer (Fu-Manchu) à Earl Derr Biggers (Charlie Chan) ou de bandes dessinées: Tarzan et les Chinois, de Hogarth,Terry et les Pirates de Caniff ou Barry au quartier chinois de Will Gould.
Flash Gordon (1937)
Orientalisme encore dans les mœurs et en particulier avec la polygamie pratiquée par Vultan. le roi des hommes-vautours, qui entretient un harem nombreux et charmant, pratiquée aussi par les sujets de Ming, car dans la version américaine originale. lorsque le gouverneur des prisons, Hong, fait comparaître Dale Arden et lui propose la liberté en échange de sa main, il lui demande de devenir "one of my wives" (une de mes femmes); c’est certes l'a un élément peu développé dans l’œuvre car il est sporadique et il coexiste avec une monogamie évidente. mais il n’en reste pas moins qu’il existe. Citons pour en terminer le dieu Tao, au nom bien chinois et au faciès grimaçant d‘idole tibétaine.
Avant de quitter les éléments contemporains. il faut remarquer la récurrence d’un certain dénouement: les efforts de Ming, calculés, préparés, sont toujours déjoués par une brillante improvisation de ses adversaires. Nul doute qu’il y ait là le reflet d‘une profonde conviction de l’optimisme américain, certain que les agressions préméditées des méchants ne peuvent rien contre l’initiative des hommes libres. Cette conviction a régné aux U.S.A. jusque après 1945.
Dale, Flash et Zarkov (1938)
Flash Gordon est-il ce qu’on peut appeler aisément un héros au cœur pur, beau type humain aux hautes vertus morales, luttant en solitaire contre la tyrannie; mais il n’est pas que cela, il est aussi un Américain typique, voulant à tout prix faire apprécier aux autres, voire imposer, un mode de vie politique dont il est convaincu qu’il est le meilleur, surtout en face des oppressions; on pourrait dire de lui qu’il est à la fois Prince Vaillant et Wilson, il est chevaleresque et démocrate, ll existe une lignée anglo-saxonne de ce type de héros libérateur. Un roman anglais du XVIII siècle présente de curieuses ressemblances avec Flash Gordon : "The Life and Adventures of Peter Wilkins" de Robert Paltock (1750). Naufragé sur une île déserte, Willins pénètre dans un monde souterrain peuplé d’hommes-volants. Devenu le gendre du roi, il le sauve d’un complot de cour, soumet les méchants, libère les esclaves, conquiert une province d’un royaume ennemi et y établit de nouvelles lois, approuvées par le peuple...
Flash Gordon et Barin (1938)
Cette notion nous est devenue familière, mais dans les années trente, il fallait, pour trouver les thèmes essentiels, remonter aux chrétiens des catacombes et ce mythe des rebelles s’associait au thème des souterrains et des égouts dont "Les Misérables" de Victor Hugo constituent l’illustration mondialement connue. Sans remonter à ces réminiscences historiques et littéraires plus ou moins lointaines, il est probable qu’Alex Raymond, en bon Américain, avait en tête le souvenir des Sinn-feiners irlandais dont la tradition est bien connue et fort vivace aux États-Unis.
Flash Gordon (1933)
texte de Pierre Couperie et Edouard François